Cher Guillaume,
Pour quelle raison obscure ai-je été tentée de recommencer ? (Je n'ai aucune parole, c'est affreux).
Je crois que je suis d'une curiosité terrible.
A l'origine, je pensais faire une critique facile, drôle si possible, pour mettre en lumière les tics, les insuffisances, les métaphores privées d'imagination... Vous êtes un auteur populaire, un de ceux dont on entend couramment dire qu'ils écrivent de la daubasse. Pardon de mon honnêteté, cher Guillaume.
Mais la facilité, justement, ne m'amuse pas, et je suis trop intriguée par votre succès pour me lancer dans une critique simple de ce roman en particulier.
Dans La fille de papier, votre dernier roman paru, un romancier à succès (sic) sombre dans les affres du chagrin d'amour qui l'empêche de parvenir à écrire le troisième volet de sa trilogie.
Madoff passant par là, le voici ruiné, son passé de gosse de banlieue resurgit et sur ces entrefaites, un personnage de son livre débarque sur sa terrasse à 3h du mat alors qu'il est essayait de se Marilyn Monroeiser.
Alors bien sûr, je vous entends clairement, cher Guillaume, le surnaturel dans vos livres sert d'autres sujets, plus profonds, tels que le deuil, les regrets, la vieillesse...
Mais bon, franchement, soyons honnêtes, vous effleurez ces sujets comme on souffle un pissenlit. ça finit en fleurs poilues qui s'éparpillent dans les airs, ça part un peu dans tous les sens, on ne contrôle rien, et à l'arrivée il ne reste qu'un pauvre tige dégarnie.
J'ai lu votre livre, cher Guillaume, vite, facilement, sans honte et sans fards.
Je l'ai lu jusqu'à le finir.
Je n'ai pas vraiment aimé, je n'y ai pas trouvé ce qui me régale dans les livres : des personnages attachants et généreux, ou des dialogues truculents, ou une construction qui scotch, ou un rebondissement qui nous renverse, un style qui nous émerveille, un univers... Non. Tout est lisse.
Les personnages s'agitent, disent ressentir des choses, on les croit sur parole, mais sans empathie.
Les péripéties se succèdent sans finesse de construction, et si on est jamais vraiment surpris, on manque souvent d'être paumés au fil des d'événements qui se suivent sans façons comme une fashonista débutante empile des couches de fringues pour se donner de l'épaisseur.
Tout cela est vite lu, vite oublié.
Vous dites "Il n’y a rien de pire qu’un livre où l’on s’ennuie. En choisissant notre livre parmi beaucoup d’autres, le lecteur nous accorde sa confiance et le moins que l’on puisse faire est de ne pas le décevoir."
Je ne peux que vous donner raison, cher Guillaume.
Il est vrai que les livres ennuyeux sont de véritables plaies. Pour peu qu'ils nous soient imposés par un rectorat sadique, ça tourne à la torture.
Mais la lecture d'un livre bien écrit, bien construit et aux personnages un peu denses ne peut pas être ennuyeuse.
De là à proposer un livre bâclé, il y a un véritable gap.
Et vous vous accordez trop de facilités (à mon goût, toujours, je précise une fois, mais vous y êtes, là, c'est de mon blog dont il s'agit, hein...)
Je me suis même surprise à lire une une authentique longueur de cinéma écrite dans un roman.
L'aspect ? Une succession de faits, de lieux visités, de constats sentimentaux sans émotions, sans phrases construites.
Étonnant. Chiant aussi. Mais pas trop long, alors ça va.
C'est à dire que c'est démobilisant de lire des choses ennuyeuses, et franchement, en vous lisant, cher Guillaume, je me suis dit que vous "pissiez de la copie" comme on dit en presse quand on sort des feuillets de textes sans trop y réfléchir, juste parce qu'il faut remplir les blancs, énumérer des faits.
Mais ça marche.
Vous vendez une quantité colossale de livres.
Vous séduisez tous les âges de lecteurs.
Et vous faites lire des gens qui ne lisent pas.
C'est bien, ça.
Alors quoi ?
Je suis jalouse ?
Oui et non.
Oui, je suis un peu jalouse, parce que vous rassemblez des tas de lecteurs, et que quand on écrit, on a envie de rassembler, on a envie d'être compris. On a envie d'être aimé.
(Je dis "on", mais vous aurez compris que c'est "je", je n'insiste pas)
Non, je ne suis pas jalouse, parce que vous rassemblez, et que quand on écrit, on n'a pas envie de rassembler tout le monde.
Moi j'aime bien écrire des trucs qui déplaisent à certaines personnes, qui les surprennent, qui les dérangent, qui les interpellent.
Cher Guillaume, vous faites précéder vos chapitres de citations d'auteurs dont je me plais à penser que vous les avez lus (Sagan, Bobin, Palahniuk, Balzac, Nietzsche, King...). Il y a de tout et c'est tant mieux, je ne suis pas sectaire, bien au contraire.
Ce sont de grands, de bons auteurs. Certains sont plus populaires que d'autres, certains vendent beaucoup, d'autres moins. Et j'en arrive à la question qui me tarabuste à votre sujet : pourquoi ne travaillez-vous pas un peu plus les structures de vos romans ? Et les rebondissements ? Et les personnages ? Et les images, les phrases, les...
Pourquoi pas ? Vous n'allez pas faire fuir vos lecteurs, ils vous sont acquis, c'est un fait établi.
Franchement, cher Guillaume, lire dès les premières pages du roman une phrase du genre "la plage se prélassait au soleil" et "les maisons serrées comme des sardines" alors que vous parlez des maisons d'un front de mer à Malibu, non ! Non ! Zut !
C'est pas drôle. Je veux bien faire le geste de vous lire, mais faites-en un aussi. Arrêtez les clichés et les phrases à l'emporte-pièce. Quant à vos personnages de papier, ils méritent d'exister un peu mieux que ce que vous nous proposez. Et les dialogues ? Un échange d'informations. Pas de bon mots, pas d'humour, encore moins de rythme.
C'est dommage. Voilà, c'est dommage.
Moi, je trouve qu'un auteur qui est lu par autant de personnes devrait prendre quelques risques et écrire des trucs un peu plus chiadés.
Cher Guillaume, j'espère que vous aurez un jour envie de vous dépasser et d'offrir à vos lecteurs la qualité des livres que vous avez aimés et qui vous ont donné envie d'écrire. Parce que vous avez un truc, c'est évident. Alors essayez.
Merci d'avance.